vendredi 8 janvier 2016

Courrier du groupe CRC à l'attention des députés de Créteil Laurent CATHALA et Sylvain BERRIOS portant sur "l'extension de la déchéance de nationalité"

                                                                                                                                                         Créteil, le 6 janvier 2016

 

 
Monsieur le Député,

 
Ainsi que l’a annoncé le Président de la République en conseil des ministres le 23 décembre, vous serez amené-e comme parlementaire à vous prononcer sur le projet de révision constitutionnelle incluant la déchéance de la nationalité pour les Français-es binationaux reconnus coupables de crimes terroristes.

Comme vous, j’ai été profondément meurtri par les attaques terroristes qui ont frappé la France en janvier et novembre 2015. La barbarie de ces assassinats appelle une mobilisation de notre pays alliant fermeté sur ses valeurs et débat politique permettant d'élaborer les solutions les plus efficaces pour contrer le terrorisme.

La déchéance de nationalité va-t-elle dans ce sens ? Trois raisons me conduisent à penser que non et à vous interpeller afin que, par votre vote, vous vous opposiez à la révision constitutionnelle.

La première tient aux circonstances dans lesquelles cette proposition s'est imposée. C’est en plein deuil national, moins de trois jours après les attentats de Paris et Saint-Denis, que le Président de la République a annoncé cette mesure sans débat préalable, devant le Parlement réuni en Congrès. Une République sereine et pleinement respectueuse du débat démocratique en son sein peut-elle, en toute responsabilité, modifier sa loi fondamentale sous le coup de l'émotion, de la peur ou de la colère ? Je ne le pense pas.

La deuxième raison tient à l'efficacité de cette proposition dans la lutte contre le terrorisme, dont nombre de spécialistes et de responsables politiques, jusqu'au Premier ministre lui-même, s'accordent à dire qu'elle ne concernerait qu'un nombre extrêmement faible de personnes et qu'elle n'aurait aucune utilité pour prévenir de futurs actes terroristes. Mesure symbolique, dit-on. Mais quel est donc ce symbole ? Que la France se débarrasse de ses terroristes binationaux pour les renvoyer dans leur seconde patrie, se délestant de toute responsabilité ?

Quant à Créer des apatrides c’est absolument inacceptable. En effet, le droit à une nationalité est un des droits fondamentaux garants de la personne contre l'arbitraire de l'Etat. Sans nationalité, l'apatride n'a plus d'existence légale. C'est justement l'objectif des terroristes de faire vaciller les valeurs essentielles de la République et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Enfin, et c'est sans doute le point majeur, cette mesure serait une atteinte inédite au droit du sol, qui depuis la Révolution française fait de notre communauté nationale une communauté ouverte à toutes celles et tous ceux qui sont né-e-s sur le sol de France. En créant une sanction spécifique pour les binationaux, elle introduit une inégalité fondamentale entre deux catégories de Français-es de naissance et jette, de facto, la suspicion sur l'une des deux. Alors que les résultats des élections régionales nous encouragent à prendre très au sérieux la montée des idées xénophobes, des divisions conduisant au rejet de l'autre, une telle concession au Front National – puisque cette mesure se trouve dans son programme depuis longtemps – ne peut que fracturer davantage la société.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle à vous opposer à l'extension de la déchéance de nationalité, une mesure contraire aux valeurs de la France, inefficace et qui n'a fait l'objet d'aucun débat populaire.

Vous remerciant de l'attention que vous porterez à notre requête, je vous prie d'agréer, Monsieur le Député, mes respectueuses salutations.

 

Pour le groupe communiste, républicain et citoyen

     Jean-Pierre HENO

   Président du groupe

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