Respecter la justice oui…mais sans se boucher les oreilles, ni fermer les yeux et la bouche !
Il faisait
froid en cette matinée du 7 octobre au 1 de la Place de l’Abbaye. Pas un temps
à laisser son chien dehors. Et pourtant, ce sont des êtres humains qu’on allait
mettre à la rue. L’Abbaye, là où il y a plus d’un siècle des poètes s’enivraient ;
on n’y voyait à présent que les compagnies des forces de l’ordre, avec leur
uniforme, en pleine opération d’expulsion. Pour une grand-mère handicapée, ses
enfants, ses petits-enfants, ils avaient déployé les grands moyens, de ceux qui
effraient, qui en imposent et qui ne font pas douter sur la détermination à
aboutir coûte que coûte. Tant et si
bien que la presse relate ainsi les faits :
« On a
cru qu’il y avait un attentat ! », hallucine un habitant […] l’importance du
dispositif a rameuté des voisins de tout le quartier. Ebahis.[1]
»
Appelés par la
sexagénaire apeurée par les cris des policiers sur son palier, nous, élus
communistes avons décidé de nous rendre sur les lieux. Est-ce rôle d’un élu
d’être présent lorsqu’un de ces concitoyens se sent en danger, lorsqu’un des
droits reconnus par la déclaration universelle des droits de l’homme est en
train de lui être enlevé ? [2].
La seule réponse possible est oui, les élus communistes doivent être aux côtés
de ceux qui souffrent, nous ne sommes pas juges et ne pouvons pas nous cacher
derrière la loi pour accepter l’inacceptable.
Expulser
quelqu’un.e sans lui proposer un relogement est indécent, insupportable !
Dans un
premier temps, nous avons pensé pouvoir éviter ce drame humain, en tentant un
ultime recours auprès du cabinet du maire, puis du bailleur de la ville.
Ayant été
informé par l’ensemble des parties prenantes (Mairie, Créteil-Habitat, commissaire
de police) que la réalisation de l’opération était inéluctable, nous avons
rapidement décidé de concentrer nos efforts sur la recherche de solutions
d’hébergement pour qu’une grand-mère et des enfants en bas-âge ne soient pas
dans le froid, cette nuit du 7 octobre.
Nous avons
aussi essayé d’éviter que la situation dégénère, en étant en dialogue constant
avec le commissaire de police et la famille expulsée, en donnant de l’eau aux
déshydratés du fait des pleurs et des cris, en permettant dans le calme à une
jeune mère de récupérer des affaires oubliées dans le logement (clés de
voiture, couverture…).
Nos démarches
pour trouver un hébergement d’urgence n’ont pas abouti, nous aurons néanmoins
pu aboutir à deux constats lors de cet événement :
-
En ce qui concerne le logement social, de l’avis
de plusieurs personnes ( au sein de la police, au sein des associations de
locataires…) les espaces de concertation réunissant les acteurs du logement, de
l’accompagnement social et de la protection ne sont pas assez actifs et
inclusifs pour prévenir les expulsions ou trouver des solutions
d’accompagnement et de relogement adéquates. La complexité des situations est
prise en charge par des procédures non complexes, ce qui favorise l’échec. Pour
ne pas se résoudre à la fatalité, il faudrait déjà redynamiser de manière
volontariste ces espaces et réfléchir à de nouveaux modes d’accompagnement,
notamment sur la résorption de dettes locatives, en s’appuyant sur ce qui
existe sur d’autres territoires.
-
Plus largement, les institutions n’ont pas
encore pris la pleine mesure de la situation sociale catastrophique dans
laquelle se trouvent une grande partie de la population (un million de pauvres
en plus en dix ans, soit près de 8, 8 millions de pauvres[3]),
elles continuent à s’approcher tête levée du précipice, à souffler sur toutes
les braises en ayant bonne conscience, à allumer des foyers de conflit en se
pensant parfaitement légitimes. Un cercle vicieux est en train de se former et
plutôt que de prendre conscience de cela, les institutions et ceux qui les
animent s’enferment dans des inepties où le profiteur à éliminer est celui qui
a une dette locative en milliers d’euros au sein du logement social et non pas
celui qui pratique l’évasion fiscale en millions d’euros au nez et à la barbe
de l’Etat. Une haine insidieuse s’installe, envers cet ennemi faible que l’on
peut facilement condamner et humilier, alimentée par la peur que l’on a
soi-même pour son avenir. Nous sommes particulièrement inquiets de voir des
discours nauséabonds envahir notre ville, ils détournent nos forces du vrai
combat pour le progrès social.
Nous ne
regrettons rien. Et nous recommencerions, s’il le fallait, pour que cet enfant
de 15 mois, en pleurs au milieu de la folie des adultes, puissent sentir le
regard solidaire et la présence fraternelle de quelques élus de la République.
Et merci aux présents qui ont pu
témoigner clairement de notre action (parmi celle d’autres citoyens indignés) :
« Leur présence a été indispensable
pour éviter que la situation ne dégénère et ne finisse par un drame »[4].
[1] Le
parisien, vu sur le site le 08/10/2016
[2] Article 25/1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »
[3] Entre
2004 et 2014, selon l’article de l’observatoire des inégalités au lien
suivant : http://www.inegalites.fr/spip.php?article270&id_rubrique=123&id_groupe=9&id_mot=76
[4] Propos
d’un cristolien, témoin oculaire de l’événement, transmis par courriel le
07/10/2016
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