mardi 11 octobre 2016

Expression de Luc Mboumba au nom du groupe des élus communistes et républicains.


Respecter la justice oui…mais sans se boucher les oreilles, ni fermer les yeux et la bouche !




Il faisait froid en cette matinée du 7 octobre au 1 de la Place de l’Abbaye. Pas un temps à laisser son chien dehors. Et pourtant, ce sont des êtres humains qu’on allait mettre à la rue. L’Abbaye, là où il y a plus d’un siècle des poètes s’enivraient ; on n’y voyait à présent que les compagnies des forces de l’ordre, avec leur uniforme, en pleine opération d’expulsion. Pour une grand-mère handicapée, ses enfants, ses petits-enfants, ils avaient déployé les grands moyens, de ceux qui effraient, qui en imposent et qui ne font pas douter sur la détermination à aboutir coûte que coûte.     Tant et si bien que la presse relate ainsi les faits :

« On a cru qu’il y avait un attentat ! », hallucine un habitant […] l’importance du dispositif a rameuté des voisins de tout le quartier. Ebahis.[1] » 

Appelés par la sexagénaire apeurée par les cris des policiers sur son palier, nous, élus communistes avons décidé de nous rendre sur les lieux. Est-ce rôle d’un élu d’être présent lorsqu’un de ces concitoyens se sent en danger, lorsqu’un des droits reconnus par la déclaration universelle des droits de l’homme est en train de lui être enlevé ? [2]. La seule réponse possible est oui, les élus communistes doivent être aux côtés de ceux qui souffrent, nous ne sommes pas juges et ne pouvons pas nous cacher derrière la loi pour accepter l’inacceptable.

Expulser quelqu’un.e sans lui proposer un relogement est indécent, insupportable !

Dans un premier temps, nous avons pensé pouvoir éviter ce drame humain, en tentant un ultime recours auprès du cabinet du maire, puis du bailleur de la ville.

Ayant été informé par l’ensemble des parties prenantes (Mairie, Créteil-Habitat, commissaire de police) que la réalisation de l’opération était inéluctable, nous avons rapidement décidé de concentrer nos efforts sur la recherche de solutions d’hébergement pour qu’une grand-mère et des enfants en bas-âge ne soient pas dans le froid, cette nuit du 7 octobre.

Nous avons aussi essayé d’éviter que la situation dégénère, en étant en dialogue constant avec le commissaire de police et la famille expulsée, en donnant de l’eau aux déshydratés du fait des pleurs et des cris, en permettant dans le calme à une jeune mère de récupérer des affaires oubliées dans le logement (clés de voiture, couverture…).

Nos démarches pour trouver un hébergement d’urgence n’ont pas abouti, nous aurons néanmoins pu aboutir à deux constats lors de cet événement :

-          En ce qui concerne le logement social, de l’avis de plusieurs personnes ( au sein de la police, au sein des associations de locataires…) les espaces de concertation réunissant les acteurs du logement, de l’accompagnement social et de la protection ne sont pas assez actifs et inclusifs pour prévenir les expulsions ou trouver des solutions d’accompagnement et de relogement adéquates. La complexité des situations est prise en charge par des procédures non complexes, ce qui favorise l’échec. Pour ne pas se résoudre à la fatalité, il faudrait déjà redynamiser de manière volontariste ces espaces et réfléchir à de nouveaux modes d’accompagnement, notamment sur la résorption de dettes locatives, en s’appuyant sur ce qui existe sur d’autres territoires.



-          Plus largement, les institutions n’ont pas encore pris la pleine mesure de la situation sociale catastrophique dans laquelle se trouvent une grande partie de la population (un million de pauvres en plus en dix ans, soit près de 8, 8 millions de pauvres[3]), elles continuent à s’approcher tête levée du précipice, à souffler sur toutes les braises en ayant bonne conscience, à allumer des foyers de conflit en se pensant parfaitement légitimes. Un cercle vicieux est en train de se former et plutôt que de prendre conscience de cela, les institutions et ceux qui les animent s’enferment dans des inepties où le profiteur à éliminer est celui qui a une dette locative en milliers d’euros au sein du logement social et non pas celui qui pratique l’évasion fiscale en millions d’euros au nez et à la barbe de l’Etat. Une haine insidieuse s’installe, envers cet ennemi faible que l’on peut facilement condamner et humilier, alimentée par la peur que l’on a soi-même pour son avenir. Nous sommes particulièrement inquiets de voir des discours nauséabonds envahir notre ville, ils détournent nos forces du vrai combat pour le progrès social.



Nous ne regrettons rien. Et nous recommencerions, s’il le fallait, pour que cet enfant de 15 mois, en pleurs au milieu de la folie des adultes, puissent sentir le regard solidaire et la présence fraternelle de quelques élus de la République.

Et merci aux présents qui ont pu témoigner clairement de notre action (parmi celle d’autres citoyens indignés) : « Leur présence a été indispensable pour éviter que la situation ne dégénère et ne finisse par un drame »[4]. 



[1] Le parisien, vu sur le site le 08/10/2016

[2] Article 25/1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » 


[3] Entre 2004 et 2014, selon l’article de l’observatoire des inégalités au lien suivant : http://www.inegalites.fr/spip.php?article270&id_rubrique=123&id_groupe=9&id_mot=76
[4] Propos d’un cristolien, témoin oculaire de l’événement, transmis par courriel le 07/10/2016

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