vendredi 16 mars 2018

Hommage à Patrick Ribau


Chère Nassira,

Léna et Teddy Ribau, vos enfants et toute la famille

Monsieur Laurent Cathala Maire de Créteil, mon cher Laurent

Monsieur Denis Oztorun premier adjoint au maire de Bonneuil,  mon cher Denis

Mesdames et messieurs les représentants du groupe des élus communistes de Créteil et de l’Association des élus communistes et républicains du Val de marne.

Mesdames et messieurs les représentants du groupe socialiste de Créteil.

Mesdames et messieurs les  représentants de la Revue « La Pensée »

Mesdames et messieurs les représentants  en France du Parti communiste Irakien

Mesdames et messieurs ses amis et camarades



C’est avec beaucoup d’émotion que nous rendons un dernier hommage à Patrick, celui de ses camarades d’engagement au Parti Communiste Français, son parti, auquel il est resté fidèle toute sa vie.

Patrick était un intellectuel engagé, un homme d’action, de terrain, un révolutionnaire solidaire des peuples du moyen orient pour leur liberté en Palestine, en Irak, en Algérie.

Défenseur de la laïcité qu’il conjuguait avec démocratie, de l’émancipation des femmes, des services publics, de l’école publique, il était aussi un élu municipal dévoué à  l’intérêt général à la vie de ses concitoyens dans sa ville, son quartier.

Patrick était aussi un touche à tout génial, brillant et modeste, professeur, universitaire, chercheur, avec un humour  corrosif et décalé, un  dessinateur de talent, bricoleur, sculpteur de pierre et de bois, un passionné de vélo, un homme aux multi-engagements et facettes qui faisait dire à ceux dont il était proche : « il fait partie de ses gens rares qui lorsqu’on est avec eux l’on se sent bien ».

Né à Paris à Montmartre, il revendiquait haut et fort ses racines de poulbot Parisien, il en avait conservé l’humour caustique, la passion de la création et  du dessin.

Il projetait, avant que la maladie ne l’atteigne, de réaliser avec un ami une bande dessinée, dont on trouve les premières planches accrochées chez lui sur les murs des toilettes.

C’était un aventurier. Très jeune à 16 ans il réalisa un périple insensé pour l’époque de joindre Paris Bagdad à vélo. C’était en 1960. Il en revint avec une passion pour la culture du moyen orient et une profonde volonté de solidarité avec les populations de ces pays. Il apprend le Turc et l’Irakien.

A son retour il entreprend des études qui le conduiront au plus haut niveau des diplômes universitaires, agrégé de géographie et Docteur en Géographie. Il s’engage au service de l’éducation nationale, enseigne ici à Valenton, puis à l’Université de Nanterre jusqu’en 1969, au Lycée Paul Valéry dont il sera membre du Conseil d’Administration et de la Commission permanente depuis 1969 sans interruption. Assistant-professeur à l’Université Paris VII Denis Diderot sous la direction du professeur Jean Dresh, il sera nommé professeur de géographie à l’université en 1988.

Son maitre universitaire confortera sa passion et son analyse sur le proche et  le moyen orient,  dont il affirmait que « l’enjeu des années à venir  serait celui de l’accès à l’eau et à l’émancipation des peuples du pourtour de la méditerranée ».  A l’Université Paris 7 Diderot où il enseignait, il était répertorié comme spécialiste du Moyen Orient, du Golfe persique et de l’Asie Centrale, à ce titre il a été un collaborateur précieux et apprécié du secteur « international » du Parti Communiste Français.

Intellectuel engagé dans l’action syndical et dans ses choix moraux Patrick était membre de la rédaction de la revue La Pensée depuis 1991 et rédacteur en chef depuis 2002, membre du comité éditorial des Cahiers du Grémano publication de l’Université Paris Diderot, membre du Comité scientifique de la Revue Economie Management de l’Université de Tlemcen en Algérie  et du comité scientifique des Cahiers du Mecas pour la même université.

Patrick était aussi un homme d’action, de terrain, un révolutionnaire courageux solidaire des peuples Irakien, Palestinien et Algérien. Jeune appelé du contingent vers la fin de la guerre d’Algérie, il refuse de participer à la répression des algériens. Il sera arrêté, torturé par l’armée française. Il n’en parlait pas.

Engagé auprès des Palestiniens pour la reconnaissance de leur  Etat, il était aux cotés  de Yasser Arrafat  lors de la constitution de l’OLP en 1964.

Cet engagement pour la Palestine lui vaudra notamment de recevoir une balle dans le genou dans le conflit opposant les Palestiniens de l’OLP à l’armée Jordanienne et la distinction dont il plaisantait souvent d’avoir été le premier français doté d’une rotule en plastique après son opération à l’hôpital de Lyon. Son engagement pour les droits du peuple palestinien et la reconnaissance d’un Etat de Palestine sera permanent. Il  militait pour l’édification d’un Etat de Palestine à côté de l’Etat d’Israël « seule voie – écrivait-il - qui conduise à la paix et la sécurité de tous » et demeura actif jusqu’au bout dans le collectif Palestine de Créteil.

Mais son engagement ne se limita pas à la Palestine. Spécialiste de l’Irak, il mettra ses connaissances à disposition des progressistes et des communistes Irakiens pour soutenir leur  combat  contre le régime dictatorial de ce pays. Il publiera dans « la Revue du Projet » en 2015, repris par Médiapart, un article remarqué sur la condition des Femmes Irakiennes qui doivent s’opposer à la fois à l’article 41 de la constitution irakienne de la loi dite Al-Jaafari concernant leur statut personnel, et à la brutalité de Daaesh  et des milices par lesquels : je le cite «  elles  sont réduites à l’esclavage, vendues et achetées ouvertement, violées par les combattants djihadistes, humiliées ».

Patrick Ribau était un universitaire prolifique, un chercheur avide de connaissances. Il laisse en héritage une œuvre féconde  de plus de 80 publications et études  sur : l’Irak, les Kurdes, l’enjeu de l’eau  et du développement de la pauvreté au proche et au moyen orient , les services publics et leurs dynamiques au Machreq et au Magreb, l’apport historique de la philosophie et des savoirs de la civilisation arabo-musulmane, la pauvreté et la coopération, l’énergie pour une méditerranée solidaire, la situation des femmes en Irak aujourd’hui,  le système de santé, l’Ecole, l’Ecologie et le socialisme, les migrations et la mondialisation.

Sa passion pour l’intérêt général et le bien commun le conduisit par deux fois à accepter de porter un mandat électif. Conseiller municipal de Paris de 1977 à 1983, puis conseiller municipal et communautaire à Créteil de 2008 à 2014.

Comment pourrait-on oublier ce grand bonhomme à l’écharpe rouge autour du coup, signifiant ainsi son engagement bien trempé à gauche, un peu dandy, et son regard pétillant de malice. Il était très actif à la vie de notre groupe aussi bien au conseil municipal de Créteil qu’au conseil communautaire de la Plaine Centrale du Val de marne. Il avait pris une part active au conseil d’administration du CIDEFE 94 – centre de formation des élus du 94.

A Créteil en tant qu’élu,  il avait choisi de porter la parole communiste sur les questions de l’Ecole, et défendait à chaque fois qu’il en avait l’occasion, je le cite : « la nécessité d’une politique nationale de l’éducation dans une logique de service public garante d’un égal accès aux savoirs pour tous les élèves ».

A la communauté d’agglomération, conseiller délégué au « développement du territoire » il participait aux travaux de la 2° commission et au conseil d’administration de la Mission Locale et du PLIE. Il s’était notamment engagé dans la défense des hôpitaux publics Henri Mondor, le Chic, Albert Chenevier et Emile Roux et dans la dénonciation de la terrible attaque porté en 2010 contre les valeurs de la République par le Président Sarkozy assimilant pour la première fois délinquance et immigration.

C’est à Créteil qu’il vient s’installer en 1995 après sa séparation avec Evelyne, la mère de ses enfants, et c’est à Créteil qu’en 2006 il se marie avec Nassira dont il a fait la connaissance lors de l’un de ses nombreux voyages en Algérie.

Nassira qui avec amour l’accompagnera et le soutiendra dans les conditions difficiles de sa fin de vie pour que celle-ci soit la plus douce et la plus digne possible.

Mais son ancrage cristolien ne se limite pas à son activité municipale, il a besoin d’accomplir jusqu’au bout son engagement citoyen, c’est-à-dire de partager et de vivre avec ses concitoyens les mêmes engagements, émotions, construction partagée de la vie dans la cité en prenant une part active au conseil de quartier et en devenant président du conseil syndical de la résidence où il habite.

Animé d’un dynamisme permanent - il restait jeune dans tous ses engagements – Patrick s’épanouissait dans sa maison de Bourgogne à Asnières La Montagne dont il était fier de montrer tous les travaux qu’il avait entrepris : maçonnerie, menuiserie, plomberie, électricité et son jardin. Lorsqu’il était là-bas il troquait l’écharpe rouge et le costume de ville pour un vieux bleu de travail.

Il aimait plaisanter, faire des jeux de mots, la bonne chair et le bon vin, il cuisinait finement. Je me souviens des moments précieux et chaleureux, d’échanges, de fraternité  et d’amitiés, des promenades dans la campagne bourguignonne autour de son village, des soirées philosophiques et politiques ou l’on refait le monde autour d’une bonne bouteille.  C’était aussi cela Patrick, un homme toujours dans l’action et un humaniste profond.

Vétéran du Parti Communiste il avait participé à de nombreuses luttes, à de nombreuses batailles  pour l’émancipation humaine et le progrès social. Il était membre actif de la direction de la section de Créteil et militant de terrain.

Je me souviens aussi de son engagement exemplaire dans l’accueil et l’accompagnement des délégations étrangères, chaque année à la fête de l’Humanité.

Il était comme chacun d’entre nous très attristé par les résultats électoraux médiocres de son parti aux dernières élections. C’est la raison pour laquelle, sans esprit de clan, il militait fermement pour un parti communiste renouvelé, de classe,  bien ancré à gauche et dans les luttes,  œuvrant sans sectarisme au rassemblement le plus large de toute la gauche pour ouvrir une perspective politique d’espoir et de renouveau.

Ce rassemblement il le souhaitait et l’aurait souhaité pour ce qu’il affectionnait  le plus, la défense des services publics  de l’éducation, de la santé, des transports, de l’eau et aujourd’hui pour la journée nationale d’action pour les retraites et les EH PAD.

Cette conception ouverte du rassemblement l’avait conduit à accepter de participer à la municipalité de gauche de Créteil, dans laquelle les communistes sont minoritaires.

Déjà en Octobre 2010 avec lucidité, dans l’expression du groupe des élus communistes républicains et citoyens de Plaine Centrale qu’il signait, il appelait à ce rassemblement populaire le plus large :

« C’est tout un système que la colère populaire doit combattre – écrivait-il -   elle doit servir de moteur pour s’engager pour une autre société, pour un pacte citoyen, pour le progrès social, pour enfin placer l’humain avant le profit ».

Patrick tu as écrit : « La lucha hasta la muerte ». « La lutte jusqu’ à la mort, c’est ce que j’ai essayé de faire ! ». C’est ce que tu as fait. C’est le message positif, d’engagement et de détermination que tu nous transmets -  ne rien lâcher jusqu’au bout. Merci Patrick. Nous en sommes fiers !

Au revoir mon ami, mon camarde.
Jean-Jacques Porcheron

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