Parcequ'il est bien plus facile de pointer du doigt l'immigration et nos halls d'immeubles que de respecter les lois et principes républicains, nous nous permettons de publier une correspondance d’une simple citoyenne à un parlementaire.
Monsieur le Député
J’ai lu par hasard un texte intitulé « rapport préliminaire de la commission parlementaire chargé de la prévention de la délinquance ».
Dès les premières lignes j’ai eu honte : lier sans vergogne délinquance et immigration est indigne d’un élu d’une République qui dans le premier article de sa Constitution affirme le principe de non discrimination.
Avançant néanmoins dans ma lecture, j’ai découvert quelques lignes plus loin ces mots :
« Les mères devront parler français à leurs enfants mêmes si les pères insistent pour parler patois ».
Je n’ai pu aller au-delà, entre rage et désespoir mon enfance a jailli.
Hermenegilda, ma mère ne m’avait parlé que son patois, elle n’en connaissait pas d’autres. Le français, Monsieur le Député, je l’ai appris à l’école, tissant ensemble le français de l’instituteur et celui de la cour de récréation.
Alors comme Luis, mon père, construisait vos usines, les Batignolles à Nantes, Saint Gaubin dans l’Oise, Arrighi à Vitry et bien d’autres encore dans le Nord ou dans le Sud, mon français fut coloré des langues parlées dans tout l’hexagone.
A 13 ans, j’étais prête pour passer mon certificat d’étude. Le chantier était terminé, nous avons déménagé. J’étais l’ainée. Je suis allée travailler, dans les fabriques des usines que d’autre Luis avaient baties.
Bien après, alors que mon jeune frère de 17 ans partait combattre pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini, Je suis retournée à l’école, le soir. J’ai eu mon certif puis un diplôme d’infirmière et un diplôme d’état d’assistante sociale.
Aujourd’hui les descendants d’Hermenegilda et de Luis sont éléctricien, caméraman, infirmière, medecin, photographe, professeur, philosophe, étudiant, un vrai inventaire à la Prévert mais sans raton laveur.
Sur l’arbre de vie d’Hermenegilda et de Luis se sont posés Justine la petite anglaise, Viviane venue d’une autre île, Ahmed, Leila, Mohamed aux prénoms dessinant l’autre rive de la Méditerranée. Leurs enfants, ont ou auront comme dans la chanson, « la couleur de l’amour ». Nos repas de famille sont l’autre visage de la mondialisation. Votre Europe nous paraît bien étriquée.
Ils ont tous perdu le patois de leurs parents sauf quelques uns qui baragouinent l’espagnol parce qu’ils l’ont appris à l’école. Mais chaque génération fait comme un clin d’œil aux aïeux et prénomme un enfant d’un nom Castillan.
Monsieur le Député aucun n’est en prison.
Pardon j’oubliais, mon frère Jean. Un jour, la police française est venue le chercher. Nous ne l’avons jamais revu. Il est mort à Auschwitz. Il avait 20 ans. Il était Communiste, Résistant.
Carmen née à Madrid en 1916
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